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Le commerce de la melhfa est en train de se faire une santé après une plongée dans le néant qui a duré des années. “Ouach djab bakri ledhourk” (c'est meilleur que d'autrefois), se souvient notre interlocuteur Guerbazi Mustapha, le gardien des traditions, comme aiment le nommer certains de ses amis. Et il poursuit : “Avant, je vendais une ou deux robes ; par contre, maintenant, ce vêtement est très demandé. Mais le problème actuellement, nous ne trouvons pas de couturières pour nous assurer un approvisionnement de melhfa...” Tous les témoignages attestent la montée de la courbe de cet habit traditionnel et son marché est florissant et même très lucratif. Les vêtements traditionnels pour femmes, dont la boutique de Guerbazi Mustapha en est bien achalandée, sont charmants et raffinés et en conformité avec les canons esthétiques d'autrefois. “Je ne vends que des copies conformes aux anciens vêtements. Je ne vends pas les vêtements adaptés au rythme de la vie moderne”, se targue notre interlocuteur. Il nous fait un long exposé sur l'aspect pratique de la melhfa, sur les anciennes techniques de l'habit traditionnel, et sur leurs caractéristiques ou leurs spécificités selon chaque région. Il nous montre différentes melhfa que contient sa caverne d'Ali Baba, qui se trouve en face du CEM des Frères Amrani. Ces melhfa sont des pièces de tissu noir, bleu, fleuri, de couleurs différentes, dont le tissu s'ouvre sur le côté et est retenu à la taille par “lahzem” et sur les épaules par des fibules. “Cette robe ancestrale, affirme-t-il, est en train de devenir avec le temps le vêtement emblème de la femme chaouie”.
Les vêtements présentés ou en vente ce jour-là étaient de haute qualité et d’un niveau esthétique. Ils n'ont rien à envier aux vêtements arabes et occidentaux. Malheureusement, la promotion de l'habit traditionnel chaoui a encore du chemin à faire pour couvrir comme autrefois ces deux catégories : la tenue de cérémonie et la tenue de ville. S'il a trouvé sa place pour la première, la deuxième n'est pas encore totalement adoptée dans les villes et les villages des Aurès. Sillonnant les rues de ces villages et villes de la wilaya, il est rare de rencontrer des femmes qui portent la melhfa, à l'exception des douars et des maisons isolées où les femmes continuent à se draper dans ce costume ancestral. Malgré sa splendeur, la melhfa, cet habitat traditionnel, attend de reprendre sa place comme tenue de ville. Bien que les vêtements arabes et occidentaux modernes tiennent à le concurrencer sur son propre bercail, la melhfa est riches en connotations culturelles traditionnelles que les autres vêtements n'en ont pas. Quand verra-t-on les Aurès s'habiller en melhfa pour ne pas renier pas leur identité et leur origine ?
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